ما کی هستیم ؟Kush jemi ne ?من نحن ؟Who are we ?Кто мы ?مونږ څوګ یو ؟ - Ვინ ვართ ჩვენ ? - Хто ми ? - Biz Kimiz ?

Mémoires captives

Couverture de Mémoires captives

Lecture Osiris

Une fresque familiale d’un intérêt extraordinaire est le livre Mémoires Captives, d’Azar Nafisi, ancienne auteure de Lire Lolita à Téhéran.
Dans ce livre intense, Nafisi tisse les fils de l’histoire de sa famille. Elle ne cache rien des affaires intimes de la famille, ni des affaires politiques ou, plus intéressant encore, de l’imbrication des deux.
Et elle raconte son histoire, notamment à travers sa relation avec son père, maire de Téhéran de 1961 à 1963, année où il a été emprisonné par le Shah. Et avec sa mère, figure plus ambiguë, plus difficile à comprendre et à tolérer même dans ses souvenirs d’enfant. C’est à son père que la romancière confie, dans le livre, le rôle d’architecte d’abord, puis de complice, de certaines de ses évasions dans l’imaginaire qui se manifesteront tout au long de sa vie comme la source vive de sa veine littéraire.

Le livre, précise-t-elle, n’a pu être écrit qu’après la mort de ses parents en 2003. Une distance nécessaire pour honorer le respect dû à leurs figures, car le livre leur donne le pouvoir d’avoir contribué non seulement à la construction de la manière dont l’auteure aborde les problèmes du monde, mais aussi ses problèmes personnels et intimes. Et c’est précisément ce double discours, politique et intime, qui nous accompagne de la première à la dernière page.

Dans le livre, en annexe, l’idée d’une liste des étapes dans l’histoire iranienne du 20ème siècle est originale, afin de mieux situer l’histoire familiale et d’en comprendre les raisons. Des photos de famille accompagnent l’incursion de l’auteure dans les espaces de la mémoire, dans un dialogue constant avec elle-même, en tant qu’exilée, qui décide à plusieurs reprises de l’être et qui s’interroge sur son propre devenir.
Le livre devient une réflexion intéressante non seulement sur l’histoire d’une famille, qui est importante dans son propre contexte historique et politique, mais aussi sur l’histoire personnelle de l’auteure, ses choix de vie, ses choix politiques et son rapport à la littérature.

Aussi, sur le silence et le rôle des mots qui peuvent aider à sortir de ce silence pour se retrouver soi-même.

Elle écrit dans le prologue du livre :

Il y a différentes sortes de silence. Celui que prescrivent aux citoyens des forces tyranniques qui leur volent leur passé, récrivent leur histoire et leur imposent une identité établie par l’État. Ou celui des témoins qui choisissent d’oublier ou de nier la vérité, et des victimes qui par moments deviennent complices des crimes qui sont commis contre elles. Puis il y a celui dans lequel nous nous complaisons quand il s’agit de nous-mêmes, de nos mythologies personnelles, les histoires que nous plaquons sur notre vie réelle. Bien avant que j’en arrive à évaluer comment un régime politique brutal projette de force sa propre image sur les individus et les empêche de se définir par eux-mêmes, j’avais déjà expérimenté ce genre de phénomène dans ma vie personnelle – au sein de ma famille. Et bien avant de comprendre ce que pouvait signifier pour une victime le fait de devenir complice de crimes d’État, j’avais découvert, de façon beaucoup plus intime, la honte qui accompagne la connivence. Ce livre est en quelque sorte une réponse au censeur et à l’inquisiteur qui vit en moi”.

Voici donc, déjà dans les intentions du livre, un regard sensible sur un engagement de toute une vie en faveur de la liberté et de la littérature, qui ne manquera pas de toucher les lecteurs.

Les ouvrages et documents peuvent être consultables sur place, notamment lors des formations. Pour toute demande d’informations sur cette référence, merci de nous contacter à ressources@centreosiris.org.