Viva la muerte
Lecture Osiris
Interdit pendant une décennie, le premier long métrage du dramaturge, écrivain et performeur Fernando Arrabal, n’a été visible, pendant longtemps, que par une poignée de spectateurs du Festival de Cannes. Le film, adapté du roman Baal Babylone par son propre auteur, est la quintessence du mouvement Panique, créé par Arrabal, Roland Topor et Alejandro Jodorowsky. Farouchement iconoclaste, Viva la muerte donne une large part aux images de fantasme du jeune garçon, par un actionnisme radical et performatif. La nature chétive et maladive du garçon contraste avec sa détermination à retrouver la trace du père, et son attitude face aux femmes : l’amie battue, la tante, et surtout la mère, cruelle et splendide brune responsable de délation. « ¡Viva la muerte ! », hurlaient dans les campagnes les milices franquistes. À l’horreur de ce cri de guerre mortifère, Arrabal tente d’opposer le désordre des pulsions de vie. Malgré sa radicalité, aucune image du film n’est gratuite : à la violence du franquisme répond l’excès désespéré d’un artiste à la conquête de la vie.
L’Espagne est meurtrie par le franquisme. Fando, un jeune garçon, découvre que sa mère aimée a dénoncé son père aux autorités en l’accusant d’athéisme et d’antifascisme. Déchiré entre l’amour total qu’il voue à sa mère et la nostalgie du géniteur absent, il passe de bureau en bureau à la recherche du père sans obtenir de réponses. Les souvenirs qui affluent et les fantasmes sanglants de torture que son imagination génère deviennent un flot torrentiel de symboles et de réminiscences inextricables. Hospitalisé et opéré du cœur, ses visions cruelles, violentes et sensuelles s’amplifient et l’horreur devient de moins en moins tolérable. Fando finit par s’enfuir de l’hôpital quand sa seule amie vient lui apprendre que son père est vivant et qu’il a rejoint le maquis.
Fernando Arrabal né en 1931 évoque la figure de son père dans l’Espagne de Franco. Il avait 5 ans lorsque ce dernier, ayant choisi le camp Républicain, est condamné à mort puis sa peine commuée à 30 ans d’emprisonnement. Le 29 décembre 1941 il s’évade de l’hôpital de Burgos et disparait sans laisser de traces.
Arrabal marqué par cet épisode de son enfance écrit Baal Babylone (1951) pour l’adapter presque vingt ans plus tard au cinéma.
Le film associe les fantasmes de Fando au contexte de violence du régime franquiste. Fernando Arrabal réinterprète un traumatisme d’enfant dans l’après-coup. Comment pourrait-il en être autrement ?
La question que soulève le film est pourquoi Arrabal éprouve-il le besoin, vingt ans après son » roman autobiographique » de recourir au cinéma, comme si ce texte écrit vingt ans auparavant ne suffisait plus ?
Sans doute est-ce la nécessité de figurer le traumatisme comme un récit en images et en sons tout en le rendant accessible au spectateur en lui offrant la possibilité de le recevoir comme un objet artistique. Ainsi Viva la Muerte œuvre ouverte sur la cruauté et la brutalité du monde est-il un film à la fois intime et universel.
Les ouvrages et documents peuvent être consultables sur place, notamment lors des formations. Pour toute demande d’informations sur cette référence, merci de nous contacter à ressources@centreosiris.org.