L’être et la torture

Lecture Osiris

Muriel Montagut est psychologue clinicienne et coordinatrice du Centre de Soins et de Ressources Frantz Fanon (Montpellier) qui accueille des personnes en situation d’exil. Dans cet ouvrage, elle replace la dimension socio-politique au centre de l’analyse des enjeux de pouvoir et d’emprise que recouvre la torture. Nous verrons qu’au sein du « système torturant », l’auteur articule l’intention du tortionnaire, l’acte de torture et le contexte dans lequel cette violence se déploie. Selon le contexte singulier, l’action de torturer semble offrir à ses défenseurs des visages tout à fait différents.

L’auteur aborde également les divergences dans l’utilisation de la torture au fil des époques et des environnements socio-culturels. Notamment le processus d’invisibilisation dont elle fait l’objet au cours du XXe siècle. Le caractère sanglant de la torture a été progressivement remplacé par la torture dite « blanche » qui ne laisse pas de trace physique. Pour autant, nous observerons que la contrainte morale n’est qu’une voie différente pour obtenir cette même distorsion de l’être.

Par la suite, l’auteur se décale du discours pathologisant pour étudier les effets psychiques de la torture à travers le prisme psycho-socio-phénoménologique. À partir des travaux de Janine Puget et Isidore Bernstein (2008), Muriel Montagut étudie comment la torture atteint la personne au niveau de trois espaces de la subjectivité : intrapsychique, intersubjectif et transsubjectif. Puis, selon l’approche phénoménologique de Martin Heidegger (1927), Muriel Montagut nous montre que le système torturant altère durablement la capacité d’être au monde du sujet. L’atteinte à son intégrité physique etou psychique est une atteinte à l’être humain dans sa capacité d’exister, de vivre dans ce monde, d’être en relation avec l’environnement, autrui et lui-même.

Pour finir, Muriel Montagut revoit d’anciens patients des années après la fin de leur psychothérapie. Suite à ces entrevues, elle décrira la trajectoire singulière de chacun et ce qu’il advient des effets de la torture sur le long terme. En somme, nous nous demanderons si l’individu parvient réellement un jour à se dégager de l’emprise du système torturant. Si oui, au prix de quels efforts ? À l’aide de quels soutiens ?