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Le Rire des bourreaux : Essai sur le plaisir de tuer

Lecture Osiris

Le Rire des bourreaux. Essai sur le plaisir de tuer de Klaus Theweleit est une analyse de la psychologie des bourreaux et du plaisir qu’ils trouvent dans l’acte de tuer. Klaus Theweleit est un sociologue et théoricien allemand de la culture, qui s’est notamment fait connaitre par son ouvrage Fantasmâlgories dans lequel il associe théorie du fascisme et masculinité. Le Rire des bourreaux en est le prolongement, en étendant les études des cas à d’autres situations, à la fois historiques (génocide au Rwanda, guerre en ex-Yougoslavie, génocide de Khmers rouges au Cambodge, guerres coloniales, …) et contemporaines (tuerie d’Utoya par Anders Breivik, attentats terroristes, guerre en Irak, guerre en Syrie, Guantanamo, …).

Klaus Theweleit analyse les écrits, les témoignages et les comportements d’hommes et femmes ordinaires qui ont commis des atrocités et en éprouvent une jouissance perverse. Il montre comment des structures de pouvoir et des idéologies déshumanisantes contribuent à transformer la violence en source de plaisir. Les bourreaux trouvent ainsi du plaisir dans la violence non seulement pour des raisons individuelles, mais aussi en raison des contextes idéologiques, sociaux et culturels qui légitiment et même glorifient la cruauté, entrainant une déshumanisation des « ennemis » ou des populations colonisées : racisme, idéologie de supériorité raciale, nationalisme extrême, haines ethniques, doctrines extrémistes, …

Cet essai est très dense et complexe, car Theweleit saute d’un exemple à un autre, avant d’y revenir et de faire des liens avec de nombreux auteurs et concepts, qui peuvent être difficiles à appréhender (j’aurais quelques difficultés à vous résumer le concept d’homéostasie socioculturelle d’Antonio Damasio et le lien qu’il fait avec le plaisir de la violence par exemple), mais sa lecture est très intéressante pour éclairer notre époque et notamment le terrorisme moderne. 

L’analyse qu’il fait des actes terroristes de ces dernières années éclaire ainsi le comportement des assaillants des attaques terroristes du 7 octobre en Israël, qui se prennent en photo ou se filment pendant et après leurs actes de violence. Theweleit montre comment ils cherchent non seulement à tuer mais aussi à être vus et à laisser une marque indélébile par le biais des médias. Ce comportement est analysé comme une expression de la jouissance morbide et de l’affirmation de leur identité à travers la cruauté. Quatre points clés ressortent de leurs comportements :

  • le narcissisme et l’affirmation de soi : les photos prises par les terroristes après leurs actes servent souvent à renforcer leur image et à affirmer leur identité de « guerriers » ou de « martyrs ;
  • la déshumanisation et le triomphe : prendre des photos après des actes de violence extrême montre une déshumanisation totale des victimes, ces images sont des trophées qui symbolisent leur triomphe sur les « ennemis » ;
  • la propagande et le recrutement : ces photos ne sont pas seulement des actes narcissiques, mais aussi des outils de propagande, les images sont souvent diffusées sur les réseaux sociaux et autres plateformes pour inspirer, recruter de nouveaux membres, et semer la terreur ;
  • le spectacle de la violence : Theweleit met en lumière la transformation de la violence en spectacle dans l’ère moderne, les terroristes comprennent le pouvoir des médias et de l’imagerie visuelle, et utilisent ces photos pour maximiser l’impact psychologique de leurs actes, ce qui crée une culture de la peur et amplifie la portée de leur message au-delà de l’acte violent lui-même.

Ceci est l’exemple sur le terrorisme moderne, mais il fait également une analyse approfondie du cas Anders Breivik, le terroriste norvégien d’extrême droite ayant tué 77 personnes et blessé 320. Je ne sais pas si on pourrait dire que Theweleit nous aide à bâtir un avenir moins violent, mais il nous pousse à affronter les sombres aspects de la nature humaine et de nos sociétés. 

Les ouvrages et documents peuvent être consultables sur place, notamment lors des formations. Pour toute demande d’informations sur cette référence, merci de nous contacter à ressources@centreosiris.org.