La violence des frontières: Les réfugiés et le droit de circuler
Lecture Osiris
Dès leur apparition il y a cinq mille ans, les premières frontières, sous forme de murs servant à délimiter des territoires (villes ou provinces), sont érigées pour préserver les privilèges, les emplois et l’accès aux ressources qui se trouvent à l’intérieur. On protège les richesses acquises d’éventuelles attaques extérieures et on commence à réglementer la circulation des personnes dont les déplacements peuvent être considérés comme menaçants pour les premiers états sédentaires.
Depuis la seconde moitié du XXe siècle, on commence même à se répartir le dernier bastion de la libre circulation : la haute mer, subdivisée en mers territoriales. Permettant à plusieurs états d’étendre leur frontière à 648 km au-delà des côtes. Ces dernières décennies, les Etats-Unis, l’Union européenne et des dizaines d’autres pays commencent à bâtir des murs à leurs frontières afin d’empêcher la circulation des personnes et des biens vers leurs territoires.
Pourtant dans les années 90, l’Europe revendique la libre circulation des biens et des personnes à l’intérieur de ses frontières, notamment en entérinant les accords de Schengen (1995). Tandis que les restrictions aux frontières intérieures sont assouplies, celles aux frontières extérieures, en Méditerranée et sur ses bordures orientales, se durcissent. L’UE adopte la réglementation Dublin II en 2004, obligeant les personnes en situation de migration à déposer leur demande d’asile dans le 1er pays d’entrée en zone UE. Puis en 2005 l’agence Frontex est créée pour coordonner les patrouilles frontalières et assurer « la sécurité à l’intérieur de l’UE ». Malgré cela, on enregistre en 2014, 59 millions de personnes déplacées à travers le monde : c’est le nombre de déplacés le plus important depuis la Seconde Guerre mondiale, et il ne cesse de croître. Il s’explique notamment par les guerres en Syrie, en Irak et en Ukraine… mais pas seulement. De nombreuses migrations en provenance d’Afrique de l’Ouest se font plutôt pour des raisons économiques, sans compter sur les conflits ethnico-religieux, les épidémies et les migrations pour raisons environnementales.
Plusieurs accords sont signés entre 2010 et 2015 par des pays membres de l’UE avec des pays extérieurs à l’UE afin que ces derniers les aident, moyennant d’importants financements, à freiner l’immigration. A l’image de l’accord passé entre l’Espagne et le Maroc afin de renforcer les frontières terrestres puis la surveillance en mer notamment sur les zones de Nador et Melilla. Le franchissement des frontières terrestres sur ce territoire devient de plus en plus difficile, du fait de la construction de murs de plus en plus hauts, de la multiplication des barrières à franchir, surplombées de barbelés, et de la militarisation des polices aux frontières… par conséquent, les traversées par voie maritime, qui sont pourtant plus dangereuses augmentent considérablement. Cet élément contribue à faire de la frontière européenne, depuis quinze ans, la frontière la plus mortelle au monde.
Il est question dans ce livre d’une part, des violences directes induites par les frontières ou par les gardes-frontières, pouvant entraîner des blessures ou la mort. Mais aussi et surtout, il est question de la violence structurelle que comportent de tels dispositifs.
Cette violence structurelle et collective, générée par la limitation de l’accès aux ressources,
et au bien-être économique de personnes vivant dans des pays plus pauvres, est
pernicieuse en ce qu’elle évacue la responsabilité. Car il ne s’agit pas d’un individu qui
commet un acte violent sur un autre. Cette responsabilité, cette violence collective, est diluée
dans une politique migratoire adoptée par un ensemble d’États.
Reece Jones remet notamment en question l’approche qui consiste à criminaliser
uniquement les passeurs et les trafiquants, que les autorités européennes ont tendance à désigner comme seuls responsables de la mise en danger des vies des migrant·e·s, allant jusqu’à les qualifier de « trafiquants d’esclaves du XXIème siècle » (Matteo Renzi, avril 2015) qu’il faudrait stopper et traduire en justice.
Ce discours sert notamment à justifier pour l’Italie ou l’Angleterre le fait de ne pas organiser d’opérations de sauvetage en Méditerranée, opérations qui pourraient constituer selon eux des « facteurs d’incitation involontaire ».
Ce discours invisibilise les responsabilités des autorités européennes et tente de faire oublier que le déploiement d’un tel arsenal visant à freiner l’immigration, par tous les moyens et au détriment de la santé -de la vie- des personnes migrantes a contribué au bilan effroyable des dizaine de milliers de personnes mortes aux frontières de l’Europe.
Est aussi soulignée la question de l’impact écologique des frontières, dans la mesure où
elles empêchent une uniformisation des règlementations environnementales, privilégiant l’intérêt des citoyens de chaque état, plutôt que le bien commun de l’humanité en général.
Les ouvrages et documents peuvent être consultables sur place, notamment lors des formations. Pour toute demande d’informations sur cette référence, merci de nous contacter à ressources@centreosiris.org.