La Coquille: Prisonnier politique en Syrie
Lecture Osiris
Il ne nous a pas été simple de faire une note de lecture sur « La coquille » de Moustafa Khalifé, difficile de donner envie de lire le livre tellement le texte est parfois insoutenable avec une description des actes de torture omniprésente. L’auteur, Moustafa Khalifé, est syrien ; il a milité dans un mouvement d’opposition d’extrême gauche jusqu’à son arrestation en 1979. Libéré l’année suivante, il est de nouveau arrêté en 1982 et ne sortira de prison que douze ans plus tard en 1994.
« La plus grande partie de ce journal a été « écrite » dans la prison du désert. Ce n’est pas le mot exact, car là-bas, il n’y a ni stylo ni papier pour écrire. » « Quand je décidais d’écrire ce journal, j’avais réussi, à force d’exercice, à faire de ma pensée une bande enregistreuse sur laquelle je consignais tout ce que je voyais, et une partie de ce que j’entendais. A présent, je dévide « une partie » du contenu de cette bande. »
« Comme une tortue qui rentre dans sa carapace quand elle sent le danger, je reste assis à l’intérieur de la mienne. J’épie, j’observe, je note, et j’attends une rémission ».
« De la même façon, quand je lorgnais à travers mon trou dans le mur : la promenade des autres cellules, les punitions, la torture, tout était devenu banal, routinier. Je continuais pourtant à regarder chaque jour, assidûment, dans l’attente de quelque chose d’insolite, de nouveau. Or en général, il y avait du nouveau. la torture a beau être standardisée , et tous les tortionnaires ont beau être formés à la même école, il reste toujours quelque chose de la personne, de l’individu…Chaque sergent, chaque policier met un peu de lui-même dans ces pratiques uniformes. On peut dire qu’il y ajoute une touche de créativité. »
« Qui fut le premier prisonnier de l’histoire ? Qui a inventé la prison ? A quoi ressemblait le premier prisonnier ? De tous les temps et de toutes les prisons, se trouve-t-il un seul prisonnier qui, après avoir passé un an ou plus enfermé, soit sorti identique à lui-même ? Quel génie a eu l’idée de la prison ? Est-ce Dieu ? Sans doute, car cela tient du miracle : cela dépasse l’entendement humain. »
Là-bas, dans ma coquille de la prison du désert, j’ai passé des milliers de nuits à convoquer et distiller des centaines de rêves éveillés. Je me promettais, si je sortais un jour de cet enfer, de vivre pleinement ma vie et de réaliser tous ces rêves qui me trottaient dans la tête. A présent une année entière a passé, et je n’ai envie de rien. Je ne vois autour de moi que médiocrité, mesquinerie, platitude…Ma seconde coquille, celle où je suis assis maintenant, ne cesse de s’épaissir et de s’assombrir. Je n’ai plus la curiosité d’épier qui que ce soit. Je fais tout pour fermer les plus petits trous de ma coquille, je ne veux pas regarder dehors. Je ferme les trous et je tourne entièrement mon regard vers l’intérieur. Vers moi. Mon moi. Et j’épie. »
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