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Face au totalitarisme, la résistance civile

Lecture Osiris

Selon Jacques Sémelin la volonté d’analyser les processus de violence n’a de sens que si elle débouche sur une recherche des voies par lesquelles l’homme moderne peut se dégager de sa propre cruauté. Cette interrogation morale sur la violence du siècle l’a conduit à explorer les ressources de « la non violence ».
L’hypothèse de Sémelin est que la « non-violence », une notion qui ne doit en aucun cas être confondue avec le pacifisme, rassemble divers mécanismes de contrôle, et d’endiguement de la violence. Comment des individus, des groupes, des sociétés peuvent-ils parfois résister sans armes face à un pouvoir de nature totalitaire ? Il s’appuie pour cela sur ses travaux sur l’Europe nazie et sur l’Europe soviétisée. Dans certains pays d’Europe centrale, Pologne et Hongrie notamment, une mobilisation croissante contre les pouvoirs communistes prenaient des formes pacifiques (surtout à travers des manifestations et des actions de désobéissance civile) proches des formes d’opposition non armée déjà étudiées dans le cadre de la domination nazie. Mais cette notion de « non-violence » devenait de plus en plus difficile à appliquer pour décrire, par exemple, les actions de ceux qui avaient tenté de résister sans armes contre le pouvoir d’Hitler. Ils ne connaissent rien des principes et des méthodes du combat non-violent.
Cette réflexion le conduit à adopter le terme de « résistance civile » plus approprié pour dénommer diverses formes de luttes sans armes : protestations d’église, grèves, manifestations, protestations de cours de justice, activités de propagande ou de sauvetage des juifs. La résistance civile est définie comme « la résistance d’acteurs sociaux ou politiques appartenant à la société civile etou à l’appareil de l’Etat, et ce, par des moyens politiques, juridiques, économiques ou culturels. »
Résister c’est d’abord trouver la force de dire non. La résistance ne devient telle que si elle parvient à s’exprimer collectivement. Le terme « civil » présente un double intérêt, il qualifie ce qui n’est pas armé. Il renvoie à la notion de civisme soulignant qu’il s’agit d’œuvrer pour l’intérêt général quitte à payer de sa personne et prendre des risques. Ce qui suppose un certain courage. Jacques Sémelin distingue ainsi trois figures politiques fondamentales de la résistance civile : celles qui résulte d’une mobilisation par le haut à l’initiative de l’Etat, par le bas à l’initiative de la société civile et celle qui conjugue les deux. Le trait commun des modes d’action de la résistance civile est qu’il ne repose pas sur le recours à la violence physique. Il y a souvent confusion entre force et violence. La violence n’est que l’une des expressions de la force.
Il insiste sur « l’assujettissement des hommes qui ne repose pas seulement sur la violence qu’ils subissent mais aussi sur l’obéissance qu’ils consentent. Si la domination physique d’un peuple est un état de fait, sa soumission politique est un état d’esprit ». La résistance civile est précisément le moyen d’accroître le fossé entre cet état de fait et cet état d’esprit. Car lorsqu’une société se sent de moins en moins soumise elle devient de plus en plus incontrôlable. »
Enfin Jacques Sémelin développe sa théorie des « trois écrans ». A partir de ses recherches sur le génocide et la limite de la résistance civile il s’interroge concernant la shoah, sur les chiffres du génocide très disparates d’un pays à l’autre1. Il postule que tout ce qui a contribué à mettre de la distance entre les persécuteurs et leurs victimes désignées a augmenté les chances de survie de ces dernières. Ces trois écrans protecteurs possibles
sont l’Etat, l’opinion publique et les divers réseaux de sauvetage.
Un « petit » livre très dense dans lequel Jacques Sémelin présente ses quelques quinze années de recherches sur les ressources de la résistance civile au sein des systèmes totalitaires du XXe siècle.

Les ouvrages et documents peuvent être consultables sur place, notamment lors des formations. Pour toute demande d’informations sur cette référence, merci de nous contacter à ressources@centreosiris.org.