Bilal sur la route des clandestins
Lecture Osiris
Récit d’un journaliste infiltré Ils s’appellent Billy, Jonathan, Moses, James, Joseph. Tous ou presque originaires d’Afrique sub-saharienne. Plus précisément, des pays du Golfe de Guinée : Liberia, Ghana, Nigeria, Cameroun notamment. Un jour, ils sont partis de chez eux. D’abord en pensée, sans quitter leurs foyers. Puis, ils ont rassemblé leurs économies, se sont fait aider financièrement par leurs famille et amis. Ils se sont mis en marche. Mais sans visa, hors de question de prendre un avion pour l’Europe. Traverser le désert était leur unique porte de sortie du continent. Le récit couvre la période 2003-2005. Fabrizio Gatti, alias Bilal Ibrahim El Habib, parcourt avec eux la « route des nouveaux esclaves ». Après Dakar, point de départ de son enquête, défilent Kayes, Bamako, Gao, Niamey, Agadez, Dirkou, Tripoli. Les descriptions de la traversée du Ténéré et du Sahara sont hallucinantes entre la misère noire, les violences policières, la corruption de l’armée et la police, le trafic – très lucratif – d’êtres humains, la prostitution forcée, les bases d’Al Qaida au Maghreb islamique. Ils ont bravé la peur, la faim, les coups, la chaleur du désert… De vieux camions qui traversent le désert à une vitesse de 10 kmh transportent à chaque voyage 200 à 250 personnes juchées sur des marchandises. Malheur à celui qui s’endort : il risque de tomber. Et c’est la mort presque assurée, écrasé sous les roues du camion ou assoiffé jusqu’à n’en plus pouvoir. L’auteur estime ainsi à 15 000 le nombre de personnes qui, chaque mois, traversent le Ténéré et le Sahara sur de vieux camions surchargés. Les migrants ne savent pas encore que le pire est devant eux : la traversée de la Méditerranée et les centres de rétention en Europe. En effet, 12% de ceux qui arrivent en Libye ou en Tunisie mourront durant la traversée de la Méditerranée. Ironie de l’histoire ! La route des nouveaux esclaves menant du Sahel au Maghreb correspond étrangement à la route des esclaves de l’antiquité, celle qui fournissait déjà l’Empire romain en main d’œuvre abondante et bon marché. Dans la dernière partie, l’auteur réussit à se faire passer pour kurde et à se faire enfermer dans le sinistre centre d’accueil (sic !) de Lampedusa, sur l’île du même nom, entre la Sicile et la Libye. C’est la première fois qu’un observateur réussit à entrer par surprise dans ce centre de rétention. Le récit de ces quelques jours passés dans la cage de Lampedusa en font un haut lieu des violations des droits de l’homme en Europe. Très loin de la description d’un « hôtel cinq étoiles », selon l’expression d’un député italien d’extrême droite. Camerounais, Maliens, Ghanéens, Nigérians, etc. : bienvenus en Europe !
Les ouvrages et documents peuvent être consultables sur place, notamment lors des formations. Pour toute demande d’informations sur cette référence, merci de nous contacter à ressources@centreosiris.org.