Valérie Jourdan-Barrier, ethno-psychologue au CADA France Terre d’Asile de Toulon
Mme Jourdan-Barrier a tenu des consultations pour le dispositif d’accompagnement psychologique du CADA France Terre d’Asile à Toulon entre juin 2018 et mars 2021.
Elle a permis de démarrer l’action et reste une personne ressource au sein de l’équipe.
Le passage ci-dessous, qu’elle a rédigé, est tiré du bilan qualitatif du CADA pour l’année 2020.
« Cette 3ème année de l’ouverture au soutien psychologique des demandeurs d’asile permet de faire le point sur la durée de la démarche.
Nous avons ainsi de nombreuses situations individuelles, de couple ou familiales qui se sont saisies de ces espaces / temps de paroles.
Le premier rendez-vous psy est proposé pour faire connaissance, faire le point, permettre au psychologue un regard sur l’état de souffrance ou une possible problématique psychiatrique et parfois une orientation.
Pour beaucoup il s’agit d’une découverte avec le monde des psychologues, de la prise en charge des émotions, de l’individualité, de partager des techniques de gestion émotionnelle ainsi que la prise en charge du post trauma s’il y a lieu.
Au-delà du soutien psychologique et de la gestion urgente des états anxieux présents sous la forme de troubles du sommeil, des plaintes somatiques, parfois d’une position dépressive, de difficultés de gestion familiale, du quotidien, l’installation dans le temps du projet psychologique, permet à de nombreux demandeurs d’asile d’entrer véritablement dans un processus de psychothérapie.
Ça veut dire leur permettre de prendre le temps de sortir de l’urgence, cette position de l’urgence dans laquelle les souffrances s’enkystent et arrêtent les processus psychologiques de développement personnel.
La Psychothérapie dans sa dimension ethno-psychologique permet le mouvement, le va et vient. Tout ce que la psyché bousculée par l’exil, les séparations, les souffrances endurées ne permet plus de faire.
L’espace ethno psychologique permet de repenser le monde, de retraverser les représentations, les symptômes cliniques d’origines et de les croiser avec les représentations de la société d’accueil pour aider le sujet à recréer sa propre réalité.
L’essentiel est d’éviter les cassures, les ruptures que fait l’inconscient par mécanisme de défense, lorsqu’il y a trop de souffrance un des mécanismes de défense du psychisme, le clivage, est de se couper de la source de souffrance. Soit se couper, se dissocier de ses racines et de tout ce qui représente le pays d’origine, qui manque trop, qui est devenu trop symbole de souffrance, soit à l’inverse de se couper du pays d’accueil et de se replier sur ses origines, ce qui aboutit à un morcellement du cadre.
La notion de temps est fondamentale dans la prise en charge psychologique pour permettre d’introduire le processus de continuité de la vie, estomper le plus possible le avant/après et permettre le voyage fluide dans les différents mondes. Réécrire son histoire, donner du sens à ce qui est venu faire effraction dans la vie psychique et dans le corps prend du temps.
Chaque démarche est individuelle et dépend aussi de la personnalité, de l’histoire familiale, du niveau de conscience, du niveau d’élaboration, de la raison de l’exil. Parfois la parole est facile est bienfaitrice, parfois le sujet est bloqué en amont, le récit est indicible, seul le corps parle par les symptômes et les troubles anxieux.
Le travail avec les états de conscience modifiés (EMC) est alors très utile. Ces états de conscience induits par différentes techniques comme la respiration, la suggestion, la visualisation et autres permettent sans la parole du patient de mobiliser ses ressources psychiques. On les retrouve dans ce qu’on appelle méditation, relaxation, sophrologie, hypnose … l’intérêt de les remettre dans le champ de la psychothérapie garantie le cadrage thérapeutique et l’assurance d’avancer pas à pas avec le patient et d’éviter les décompensations en ouvrant trop vite, trop tôt la problématique.
Elles sont très efficaces sur la gestion émotionnelle, les troubles du sommeil, la gestion de la douleur et des protocoles permettent de travailler sur les souvenirs pour désamorcer les traumas. Ces techniques pour être efficaces sur le long terme demandent de l’entrainement et de la régularité et donc du temps. Avec ou sans l’accès facile à la parole ces techniques issues des neurosciences ont permis de proposer une aide pratique et facilement réutilisable par l’enregistrement audio des séances. De plus, ces enregistrements dans la langue maternelle sont un véritable plus, un contenant sécure qui fait lien entre les séances.
La souplesse du cadre proposé par le CADA permet une approche thérapeutique pluridisciplinaire, créative et personnalisée, entre psychologues, psychiatre, ethno psychologue, psychanalyste et une masseuse. »