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Plaidoyer de RIMES en faveur de l’interprétariat médical et social non lucratif

Découvrez le plaidoyer du Réseau de l’Interprétariat Médical Et Social.

Un levier de l’accès aux droits et de la lutte contre les discriminations,
Un moyen pour ceux qui accueillent, orientent, éduquent et soignent.

La France continue à être un pays d’accueil de personnes non francophones. La barrière de la langue constitue un premier obstacle dans le parcours d’accueil, d’intégration et d’accès aux droits.
L’interprétariat professionnel et non lucratif, développé depuis longtemps par des associations sur l’ensemble du territoire, est en voie de reconnaissance officielle, consacrée par plusieurs textes législatifs et jurisprudentiels. Il se heurte, toutefois, à des freins qui empêchent son utilisation efficiente par les services publics.
Nous appelons à lever ces freins.

L’inscription de « l’interprétariat linguistique » comme l’un des déterminants de « l’accès aux droits, à la prévention et aux soins de personnes éloignées des systèmes de prévention et de soin » dans la loi de santé de janvier 2016 constitue un tournant important pour la reconnaissance de ce métier longtemps méconnu.

Cette inscription doit beaucoup au travail de nos associations spécialisées qui œuvrent depuis des décennies pour proposer un service de qualité. Elles avaient, dès 2012, élaboré la Charte de l’interprétariat médical et social professionnel1, proposant une définition commune du métier autour d’un cadre déontologique et des compétences attendues. Elles constituent, à partir de 2019, le Réseau de l’Interprétariat Médical Et Social (RIMES) afin de renforcer le travail de promotion et de sensibilisation des acteurs.   

Dans la suite de la loi, le décret promulgué en 2017 souligne l’importance de l’interprétariat pour garantir le droit des patients, notamment le « droit à l’information, [le] droit au consentement libre et éclairé, [le] droit au respect de leur vie privée et au secret des informations les concernant ». Le référentiel de la Haute Autorité de Santé de 2017[2] et l’instruction ministérielle aux ARS de 2018[3] sont venus compléter ce cadre normatif.

Le travail engagé dans le champ sanitaire doit être étendu à l’ensemble du secteur social, à l’éducation, aux administrations etc. C’est à ce titre que les personnes non francophones pourront accéder à leurs droits sans discrimination.

1. Reconnaître l’interprétariat professionnel et non lucratif comme un service d’intérêt général

Les interprètes professionnels participent pleinement à l’accès aux droits et au services fondamentaux en levant la barrière de la langue, en facilitant la confiance entre les professionnels et les usagers. Dans le domaine particulier de la santé, ils assurent le respect des droits des patients (secret professionnel, information du patient, consentement libre et éclairé) et contribuent à l’amélioration des soins.

Cet interprétariat ne peut être considéré sous un angle purement commercial, mais reconnu et envisagé comme un service d’intérêt général. Il a été élaboré et mis en œuvre par des associations à caractère social et sans but lucratif. Celles qui constituent aujourd’hui le réseau RIMES continuent d’agir pour la consolidation et la reconnaissance de ce métier à part entière.

L’interprétariat professionnel comme nous le défendons s’appuie sur les composantes suivantes :

  • Formation des interprètes sur la base des référentiels de compétence et de formation reconnus par la Haute Autorité de Santé ;
  • Exercice de l’interprétariat dans le respect des missions de l’interprète définies dans le cadre de la Charte de l’interprétariat professionnel de 2012 et du cadre déontologique propre à la profession :
    • La fidélité de la traduction des propos des patients et des professionnels de santé
    • Le respect de la confidentialité et du secret professionnel
    • L’impartialité et le non-jugement
    • Le respect des décisions prises par les personnes en toute autonomie dans le cadre de leur parcours de soin ;
  • Accompagnement et encadrement des interprètes par des employeurs associatifs à but non lucratif, permettant d’assurer le respect du cadre professionnel des organismes les sollicitant ainsi que les droits des patients;
  • Reconnaissance de l’activité d’interprétariat médical et social comme une profession à part entière, donnant lieu à une juste rémunération.

L’interprétariat professionnel a été posé par le référentiel de la HAS comme une pratique de référence dans le domaine de la santé. Or, aujourd’hui, nous constatons que dans les marchés, le prix le plus bas est souvent recherché et des organismes de santé font appel à des interprètes (en direct ou via des plateformes) qui ne respectent pas les critères de l’interprétariat professionnel. Sans toutefois rejeter le principe de concurrence, nous constatons que celui-ci se fait au détriment de la qualité, de l’éthique de la profession, et de la garantie des droits (RGPD, …).

Les risques sont à la fois :

  • une précarisation plus grande d’un métier qui commence à peine à être reconnu 
  • le développement de plateformes numériques d’interprétariat « low cost » (sans préoccupation pour le recrutement, le profil et les compétences des candidats),
  • l’impossibilité pour les professionnels de santé de mener à bien leur mission,
  • et in fine une prise en charge de moindre qualité, le non-respect des droits des patients, et des ruptures de parcours, préjudiciables pour les publics concernés en terme de santé et préjudiciables pour les finances publiques en termes de surcoûts évitables.

L’enjeu du professionnalisme des interprètes et du suivi de leur activité par leurs employeurs est crucial pour assurer la qualité des prestations et concourir aux enjeux définis par le Code de santé publique, à savoir de permettre aux usagers peu et non francophones d’améliorer leur accès aux soins.

Le réseau RIMES insiste sur la nécessité de recourir dans le secteur de la santé à des prestataires qui mettent en œuvre un véritable interprétariat professionnel, tel que défini plus haut. Il est urgent que les recommandations de la Haute Autorité de Santé soient appliquées par tous les acteurs du secteur, comme le rappelle le tribunal administratif de Marseille dans son ordonnance du 28 juin 2023 (n°2305500).

2. Généraliser l’accès à l’interprétariat professionnel et non lucratif dans le domaine de la santé

Pour que l’interprétariat professionnel soit la pratique de référence dans le domaine de la santé, nous demandons :

  • de faire du recours à l’interprétariat professionnel un droit opposable dans le domaine de la santé, comme cela existe déjà dans le secteur de l’asile ;
  • d’y dédier des financements fléchés et pérennes.

Le recours à des solutions « bricolées » est encore bien trop fréquent : recours à un proche, à un autre patient, à des professionnels non formés, à des outils de traduction numérique etc. Les conséquences peuvent être graves : mise à mal du secret professionnel, absence de consentement éclairé, mauvaise orientation, erreurs de diagnostic et leurs conséquences.

Lorsqu’un patient peu ou non francophone est reçu par un professionnel de santé sans interprète professionnel, ses droits à l’information, au respect de la vie privée et au consentement éclairé, tous trois prévus dans le Code de santé publique[1], et rappelés dans le décret d’application du 5 mai 2017 relatif à l’interprétariat linguistique, ne peuvent pas être respectés.

Aussi est il nécessaire que le législateur aille plus loin et considère que l’interprétariat est un droit opposable pour les patients peu ou non francophones.

D’autre part, en 2019, l’Inspection Générale des Affaires Sociales (IGAS) a souligné dans un rapport un sous-recours important à l’interprétariat dans le domaine de la santé. Les dépenses annuelles en France ont été évaluées à 6 millions « tandis qu’à populations migrantes semblables, elles seraient de 30 millions d’euros selon les standards anglais ou suisse [2]». Les dépenses devraient être multipliées par 5 pour couvrir au moins « les situations les plus complexes et les étapes clefs de la prise en charge d’un patient [3]» !

Le corolaire du droit des patients à l’interprétariat est donc la mise en place de financements dédiés pour tous les acteurs de santé impliqués dans l’accueil et la prise en charge de personnes peu ou non francophones. Les modalités de financements doivent être pensées de manière à ce que les acteurs de santé aient un accès automatique à ces ressources.

3. Étendre ces avancées aux autres secteurs : travail social, insertion, asile, éducation…

Les propositions précédentes sont fortement liées au secteur de la santé car c’est dans ce domaine que des avancées ont été les plus importantes ces dernières années, notamment au niveau du cadre normatif. Néanmoins, les constats ont une portée plus générale et doivent être étendus à l’ensemble des domaines où l’accès égal des personnes à leurs droits ainsi qu’aux biens et services fondamentaux est en jeu.

En effet, dans le domaine judiciaire, dans le cadre de la procédure pénale, l’interprétariat est reconnu comme un droit des justiciables non francophones, tant pour les prévenus, que pour les victimes. Les interprètes ont le statut d’auxiliaires de justice, ils sont nommés par les Cours d’Appel, et le Ministère de la Justice se charge de leur formation. La rémunération des interprètes est également prévue par la loi.

Aussi, pour garantir le respect des droits des personnes non francophones, il est nécessaire que ces acquis soient étendus aux autres secteurs, tout au long de leurs parcours d’intégration : demande d’asile, relations aux administrations, éducation, santé, accompagnement social, formation, insertion professionnelle, etc.

Garantir un interprétariat professionnel de qualité c’est garantir l’accès des personnes aux droits et aux services fondamentaux.

C’est pourquoi, aujourd’hui, nous, associations spécialisées de l’interprétariat professionnel médical et social, appelons les pouvoirs publics et autres décideurs, ainsi que tous les utilisateurs de nos services, à considérer l’importance de l’interprétariat professionnel et non lucratif comme outil de l’accès aux droits.


[1] Articles L1111-2, L1110-4 et L1111-4.

[2] « Interprétariat professionnel et soins : des expériences hors de l’hôpital à généraliser », revue Prescrire, janvier 2022, tome 42 n°459.

[3] p.58, « Le modèle économique de l’interprétariat linguistique en santé », Inspection Générale des Affaires Sociales, 2019.


[1] https://www.migrationssante.org/wp-content/uploads/2017/09/Charte_diffusion_electronique_2017_06.pdf

[2] Interprétariat linguistique dans le domaine de la santé – Référentiel de compétences, formation et bonnes pratiques, Haute Autorité de Santé, octobre 2017 : https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2017-10/interpretariat_dans_le_domaine_de_la_sante_-_referentiel_de_competences….pdf

[3] Instruction DGS/SP1/DGOS/SDR4/DSS/SD2/DGCS/2018/143 du 8 juin 2018 relative à la mise en place du parcours de santé des migrants primo-arrivants.

  1. Articles L1111-2, L1110-4 et L1111-4. ↩︎