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Christine Paparone-Peyron, coordinatrice au CADA de France Terre d’Asile de Toulon et coordinatrice du projet « soutien psychologique »

Le CADA de FTDA à Toulon a mis en place un dispositif de soutien psychologique en 2018, composé de psychologues, d’une psychiatre et d’une masseuse ayurvédique, avec accès à l’interprétariat professionnel. Il vise à répondre aux besoins en santé mentale des demandeurs d’asile et des réfugiés sur le territoire, facilitant leur accompagnement et leur accès aux soins psychologiques. Des réunions mensuelles sont organisées pour favoriser la coordination entre les professionnels de santé et les intervenants sociaux.

Bonjour Christine, pouvez-vous en quelques mots nous présenter votre structure et votre fonction ?

Je suis coordinatrice du CADA de FTDA à Toulon, depuis janvier 2019. Je suis assistante sociale de formation, et je suis en poste au CADA depuis 2008 où j’étais précédemment en charge de l’accompagnement des demandeurs d’asile, en particulier au niveau santé.

Le CADA existe depuis 2003. Nous y accueillons des demandeurs d’asile que nous hébergeons dans le cadre de leur procédure administrative.

Quels constats ont été à la base de la mise en place de votre dispositif de soutien psychologique ?

Nous avons mis en place notre action santé sur la base des constats de difficultés de prise en charge psychologique sur notre territoire pour les usagers de notre centre.

Les orientations en santé mentale vers le droit commun pour notre public et sur notre secteur sont, depuis le début, très rares. On nous renvoie souvent la barrière de la langue comme obstacle. En effet, l’hôpital psychiatrique de secteur n’alloue aucun budget pour de l’interprétariat professionnel, ce qui ne permet pas aux personnes d’être reçue dans leur langue et de pouvoir s’exprimer.
Les professionnels du soin en santé mentale nous renvoient aussi parfois que la présence d’un tiers dans la relation psychothérapeutique, de l’interprète donc, reste bloquante.

Au départ, nous avions la chance de pouvoir orienter certains de nos résidents vers le centre de soin d’Osiris. A cette époque, dans les années 2000, nous étions le seul CADA du Var, et nous n’avions que 60 places.
Et puis, les années passant, la liste d’attente pour une consultation à Osiris s’est allongée, une priorisation des patients s’est installée. Depuis Toulon, nous avions aussi des difficultés logistiques liées aux transports des usagers jusqu’à Osiris, basé à Marseille.
C’était donc de plus en plus difficile d’orienter.

En parallèle, nous avions aussi fait la connaissance du Dr Martine Timsit, qui exerçait au sein de Promo Soins Toulon. Elle a accepté de recevoir notre public avec interprète, dans les locaux de Promo Soins, à titre bénévole.
Au départ, elle recevait les personnes avec des interprètes bénévoles ou des compatriotes, ce qui n’était pas satisfaisant. Puis elle a réussi à pouvoir faire appel à des interprètes professionnels d’ISM Paris.

Mais là encore, au fils des ans, le Dr Timsit commençait elle aussi à être saturée par les demandes de consultation. Le nombre de places d’hébergement pour demandeurs d’asile sur le département augmentant, et étant la seule à leur proposer des consultations psychothérapeutiques dans leur langue.

Vous avez donc mis en place un dispositif de soin en santé mentale pluridisciplinaire au sein de votre CADA. Est-ce que vous pouvez nous le présenter ?

Oui, nous avons lancé cette action en juin 2018, avec d’ailleurs un grand soutien du Dr Timsit. Elle a évolué au fil des ans, mais notre équipe de soin est aujourd’hui composée de :

  • trois psychologues qui proposent des consultations sur un total de trois jours ou trois jours et demi par semaine ;
  • une médecin psychiatre, bénévole, qui intervient ½ journée tous les 15 jours ;
  • une masseuse ayurvédique qui intervient ½ journée tous les 15 jours.

Tout le dispositif permet aux soignantes d’avoir recours à de l’interprétariat professionnel.

Les orientations vers la psychiatre et la masseuse ne se font qu’en deuxième intention, ce sont donc uniquement les psychologues qui leur font des orientations sur la base des besoins des patients. Notre dispositif est cependant assez souple, et cela nous permet, à titre exceptionnel d’orienter directement vers l’une ou l’autre.

Aujourd’hui, notre psychiatre bénévole cesse son activité et nous sommes à la recherche de son ou de sa remplaçant.e, qui pourra être rémunéré.e.

A une certaine époque, nous proposions également des séances de yoga avec l’appui d’une bénévole. Nous avions également mis en place des groupes de parole, mais qui ont dû être arrêté depuis l’épidémie de la covid.

A qui est destiné ce dispositif thérapeutique ? Comment le financez-vous ?

Au départ, en 2018, ce dispositif était uniquement destiné aux usagers de notre CADA. Nous avions en effet utilisé des reliquats budgétaires qui nous ont permis de démarrer, avec l’accord de la DDCS.

Puis, une réflexion commune à émergée autour des besoins sur le territoire. En 2019, nous avons répondu à un appel à projet de la DDCS qui nous a permis d’obtenir un financement pour ouvrir nos consultations aux adultes des structures hébergeantes et spécialisées dans le droit d’asile du territoire de la métropole Toulon Provence Méditerranée.

L’année suivante, un financement supplémentaire de la DDCS nous a permis d’étendre l’action à la prise en charge des enfants.

Aujourd’hui les usagers des structures suivantes peuvent nous être orientées : l’HUDA d’Adoma à Toulon (avec parfois par dérogation des personnes hébergées sur le PRAHDA), l’HUDA de Forum Réfugiés à Toulon, et le CADA d’En Chemin à Toulon.

Le projet de consultations psychologiques est présenté à chaque nouvelle personne arrivant sur l’une des structures partenaires afin de proposer d’emblée un rendez-vous de rencontre avec un professionnel de santé mentale.
En effet, cela nous permet de donner l’opportunité à chacun de pouvoir bénéficier du dispositif, d’autant que certains ne savent pas ce que c’est. C’est pour ne pas passer à côté de quelqu’un qui aurait un besoin et que l’équipe de travailleurs sociaux ne serait pas en mesure d’évaluer.

Notre dispositif nous permet donc de suivre des personnes en demande d’asile ainsi que ceux ayant obtenu une protection internationale.
Lorsque les personnes accompagnées se retrouvent déboutées, notre démarche est de ne pas mettre fin subitement au soin psychothérapeutique engagé. Les personnes peuvent continuer à être reçues en consultation pendant plusieurs mois si nécessaire afin d’effectuer une transition ou de trouver un relai. Ce ne sont pas les chiffres qui priment pour arrêter un suivi, mais seulement l’évaluation de la psychologue. Ce positionnement est partagé par la DDCS.

Comment ce dispositif s’articule avec les autres structures partenaires ?

Les demandes d’orientation, les prises de rendez-vous et les réservations d’interprètes se font par notre CADA. Nous avons un mi-temps de secrétariat pour nous acquitter de ces tâches.

Des conventions de partenariat sont signées avec les différentes structures pour harmoniser nos pratiques d’orientation notamment.

Des réunions mensuelles sont organisées avec notre équipe de soin et toutes les structures partenaires. Cela favorise les échanges entre professionnels de santé et intervenants sociaux.

Depuis votre position de travailleuse sociale, qu’est-ce que ce dispositif a facilité dans votre travail d’accompagnement ? Comment s’articule votre travail en inter-disciplinarité ?

En un mot : soulagement.
C’est un soulagement de pouvoir orienter des personnes qui nous semblent en souffrance, ou même si on ne les a pas repérées de savoir qu’elles sont prises en charge.
Le déclic à l’origine de ce projet, c’est que j’ai vu beaucoup de demandeurs d’asile essuyer des refus à l’OFPRA ou à la CNDA car ils ne savaient pas, ne pouvaient pas se raconter, qu’ils avaient des blocages.
Ceux qui avaient la chance de recevoir des soins appropriés, notamment par Osiris à l’époque, ont pu déposer des réexamens de leurs demande d’asile. Et, grâce au soin, certains ont réussi à raconter leur histoire, à dénouer la parole, et ont obtenu le statut de réfugié.
C’est aussi un aboutissement dans leur procédure de pouvoir leur proposer ça, car oui, le fait de se soigner sur le plan psychologique a souvent un effet sur leur procédure.

Depuis le point de vue des travailleurs sociaux, c’est également rassurant d’échanger avec des professionnels de la santé mentale. Cela permet de mieux comprendre aussi. Dans les réunions mensuelles, il y a des échanges assez libres entre les soignants et les travailleurs sociaux, sur des notions psychologiques qui permettent à des travailleurs sociaux de voir les choses autrement, de faciliter les échanges avec leurs usagers. Ces échanges nous permettent aussi de repérer des symptômes plus facilement.

La psychiatre n’a rejoint l’équipe qu’en février 2020. Auparavant, le Dr Timsit nous épaulait mais c’était toujours difficile pour les psychologues d’orienter en cas de besoin de traitement médicamenteux. L’arrivée de la psychiatre a permis aux psychologues de trouver un réel relai.