Sous-titré « Parcours Critique d’un Humanitaire » il s’agit d’un livre d’entretiens avec la journaliste Catherine Portevin dont la contribution a été essentielle au succès de ce remarquable ouvrage. Pas à pas elle a suivi l’ancien président de Médecins Sans Frontières dans les différentes étapes de son parcours de médecin, de militant et de penseur. Chaque expérience, que ce soit au Bénin, au Biafra, au Soudan, en Somalie, en Yougoslavie, en Israël ou au Kosovo... est replacée dans son contexte et analysée dans un questionnement particulièrement judicieux. Rony Brauman, comme à son habitude, s’y montre pugnace, paradoxal parfois, critique toujours, autant vis-à-vis des autres que de lui-même. Plusieurs fois il reconnaît s’être trompé et avoir changé d’avis. Il puise cette sagesse dans une profonde connaissance du terrain, une honnêteté intellectuelle sans faille et de solides références philosophiques en particulier à Hannah Arendt. Le tout aboutit notamment à revisiter la notion de « banalité du mal », à affirmer que toute idéologie, qu’elle soit religieuse ou laïque, contient en elle-même les germes d’une domination, que le droit d’ingérence n’est guère que le droit du plus fort et que le devoir d’ingérence, fût-il humanitaire, doit être en permanence réinterrogé, avec une grande circonspection, à l’aune de la réalité et des vérités du moment... Bref un tremplin essentiel pour qui désire penser au-delà de l’urgence dans la réminiscence de son passé et repousser les frontières de l’humanitaire au-delà des limites étroites du compassionnel.