Le terme de résilience, qui a largement diffusé dans les médias, désigne les capacités d’une personne à résister à un traumatisme et/ou se reconstruire après l’avoir subi. Que contient-il de plus que les catégories comme la ténacité, la persévérance, la fermeté, la détermination, la constance ? Considéré dans l’après-coup, il renvoie à une notion banale de s’en être sorti. La lecture de cet ouvrage permet d’ y voir de plus près.
La résilience a concerné l’étude de la résistance des matériaux qui reprennent leur forme après avoir subi une déformation. Mais l’apparition du terme anglo-saxon « resiliency » qui implique l’élasticité, le ressort, la bonne humeur, donne au mot résilience les caractères qu’il a pris désormais.
Dans les sciences humaines, il concerne la relation du sujet à lui-même et aux autres dans le contexte de traumatismes dont la nature et l’intensité vont de la simple contrariété à la plus extrême des violences. La résilience est aussi référée au travail psychique des victimes des traumatismes, et surtout souligne le dépassement auquel elles parviennent, ce qui donne à cette éventualité une charge émotionnelle certaine.
_ Ainsi, les chercheurs, ont eu à étudier ce qui favorise les facteurs de résilience dans le développement de la personnalité et dans le rôle de l’environnement.
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Parmi ces facteurs :
la nature de l’attachement (notion développée par Bowlby sur le développement de l’enfant)
l’étude des aptitudes adaptatives par les tenants du cognitivo-comportementalisme
les théories neurophysiologiques sur la plasticité du cerveau
la psychanalyse avec le recours à la sublimation, sous l’angle de l’identification à l’agresseur (Ferenczi) et de l’altruisme (mécanismes de défense du moi selon Anna Freud).
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L’étude de la résilience suppose deux questions :
S’agit-il de l’étude des processus psychologiques dans l’après-coup, lorsque la personne a retrouvé le moyen de se reconstruire ?
S’agit-il de l’étude des facteurs qui permettront à une personne de résister et de se reconstruire, en quelque sorte de déceler les facteurs qui auront préparé cette personne à ce travail sur elle-même, sans négliger les facteurs environnementaux sur lesquels elle aura pu s’appuyer.
Dans le premier cas, l’étude porte sur les mécanismes psychologiques, psychodynamiques, ou même neurologiques qui ont été concernés, mais dans le second, il apparaît que l’étude va porter sur des éléments prédictifs, et la détermination de conditions idéales pour soustraire les personnes et la société dans son ensemble aux risques de désordre. Entreprise qui pourrait intéresser les politiques pour une meilleure gestion de la société.
A la valorisation si importante de cette notion de résilience, Serge Tisseron apporte des nuances car, il souligne que les aménagements pervers et autres constructions de la personne peuvent avoir des effets péjoratifs sur elle-même et leur entourage, ainsi de l’altruiste qui se fera éventuellement du mal pour le bien d’autrui. De plus les risques de ricochet des effets des traumatismes sur la génération suivante sont réels, il évoque l’histoire du peuple allemand qui a surmonté les séquelles de la première guerre mondiale au prix d’une éducation rigide, et , ce sont leurs enfants qui ont conduit comme on le sait la guerre de 39/45.
En outre, le bien être retrouvé par les victimes de traumatismes peut devenir une source de réactivation des angoisses et des symptômes comme si les systèmes de lutte contre les effets des traumatismes constituaient une défense efficace contre ce traumatisme.
Dans la conclusion de cet ouvrage, on trouvera un résumé clair et concis de l’analyse de ce concept. Outre les questions brièvement évoquées ci-dessus, l’interrogation est portée sur les concepts de la psychanalyse questionnés actuellement sur la pulsion de mort, le contre-transfert, le fantasme. Les apports de Gisela Pankov avec « la greffe symbolique », la notion de « crypte » de Karl Abraham et de Maria Torok sont rappelés plus que développés mais avec le travail de Nicolas Abraham sur les « fantômes » souligne que certains nous hanteront jusqu’à notre mort sans qu’ils puissent être identifiés. Ainsi le concept de résilience ne peut recouvrir la totalité de ces problématiques.