Leyla Zana, Paris : Editions Des Femmes, 1995, 115 p.
Son nom ne vous dira sans doute rien, même s’il est très connu en Turquie et tout particulièrement chez les kurdes. Raison de plus pour le découvrir à travers ces quelques écrits autobiographiques et ces lettres à François et Danielle Mitterrand, à Ségolène Royal , Kendal Nezan …. et à travers elles la dimension de la résistance kurde en Turquie et les incommensurables souffrances qu’elle a provoquées. Née en 1961 tout près de Diyarbakir, elle épouse à 14 ans son cousin Mehdi Zana, qui sera élu maire de Diyarbakir en 1977 puis fait prisonnier politique et torturé après le terrifiant coup d’État militaire du 12 septembre 1980. Emprisonnée à son tour quelques années après pour activisme pro kurde, elle est humiliée et torturée pendant sa garde à vue. Le 20 octobre 1991, revendiquant l’héritage politique de son mari exilé à l’étranger, Leyla Zana est la première femme kurde élue députée au Parlement turc. Elle va faire scandale lors de la cérémonie de prestation de serment en prononçant un message de paix en langue kurde : « Vive la paix entre les peuples kurde et turc ». Son parti, le Parti de la démocratie du peuple (DEP) est interdit et son immunité parlementaire aussitôt levée. Elle est arrêtée, en même temps que trois autres députés kurdes, accusée de trahison et condamnée à 15 ans de réclusion criminelle pour collusion avec un groupe terroriste (le PKK). A l’appui de cette décision figurait la couleur de ses vêtements et son foulard jaune vert et rouge, emblématique des femmes kurdes ! Soutenue par le Parlement Européen qui exige sa libération ainsi que celle de ses collègues emprisonnés, elle se voit provisoirement libérée en 2004. Encore sous le coup de nombreuses autres condamnations elle se voit décerner, le 9 novembre 1995, le prix Sakharov. Certains voyaient en elle la relève d’A. Ocalan, emprisonné depuis 1999 et soumis à l’isolement dans l’île d’Imrali. Cela n’a pas été le cas, peut-être par épuisement personnel mais aussi par l’affaiblissement d’une opposition kurde empêtrée dans ses divisions internes et arc-boutée, comme le gouvernement auquel elle fait face, dans le refus de toute négociation qui seule pourrait pourtant mettre un terme à cette guerre sans fin.