Dans la mer il y a des crocodiles, l’histoire vraie d’Enaiatollah Akbari
Fabio GEDA, Paris : Liana Levi, 2011, 173 pages.
Enaiatollah Akbari, 10 ou 11 ans au début du récit, n’a qu’un tort, celui d’appartenir à l’ethnie Hazara, haïe en Afghanistan aussi bien par les Pachtouns que par les Talibans. Son père est mort agressé au volant de son camion, son maître d’école a été abattu devant lui parce qu’il refusait de fermer un établissement qui dérogeait à une prétendue volonté divine, sa famille elle-même est menacée de mort et lui d’esclavage. Face à une situation aussi désespérée, sa mère prend le risque insensé de l’accompagner clandestinement au Pakistan et de l’abandonner tout seul, sans argent, lesté seulement de trois principes moraux. Commence alors un voyage d’une dizaine d’années et d’une dizaine de milliers de kilomètres qui, du Pakistan à travers l’Iran, la Turquie, la Grèce, va lui permettre de gagner l’Italie et, à Turin, d’obtenir une autorisation de séjour et d’accéder enfin à une vie apaisée ainsi qu’à la possibilité de faire des études. A travers le récit naïf et émouvant de ce tout jeune garçon transparait toute l’horreur et la difficulté inhumaine d’une telle migration --- l’exploitation par les employeurs, les brutalités policières, les morts de froid pour entrer en Turquie, les noyades lors de la traversée maritime pour gagner la Grèce, mais aussi les quelques moments fugitifs de bonheur lors de rencontres amicales et de soutiens miraculeux … Le lecteur est partagé entre une admiration pour ce gamin animé d’une farouche volonté de survie et un sentiment d’horreur, de pitié et de honte, même si ce drame, contrairement à beaucoup d’autres, se termine bien. Souhaitons que ce livre, très facile à lire et qui remporte déjà un grand succès de diffusion, puisse ouvrir les yeux de tous ceux enclins à n’appréhender le phénomène migratoire qu’à travers sa dimension statistique !