Mary Shelley, Frankenstein, 1970, p. 218.
- Je refuse ! répondis-je, et aucun supplice ne me forcerait à le faire. Créer un autre être, pareil à toi, et dont la cruauté réunie à la tienne pourrait ravager le monde ! Va-t’ en ! Je t’ai répondu ; tu peux me torturer, mais je n’y consentirai jamais.
- Tu as tort répondit le démon. Au lieu de te menacer, je veux raisonner avec toi. Je suis méchant parce que je suis malheureux. Ne suis-je pas repoussé et haï par tous les humains ? Pourquoi devrai-je plaindre les hommes plus qu’ils ne me plaignent ? Tu ne dirais pas que c’est un crime si tu me jetais dans une de ces crevasses de glace et si tu brisais mon corps qui est l’ouvrage de tes mains. Dois-je respecter les hommes qui me méprisent ? Qu’ils vivent avec moi et me traitent avec bonté et, au lieu de leur faire du mal, je leur ferai tout le bien possible avec des larmes de gratitude. Mais cela ne peut pas être. Pourtant je ne me soumettrai pas à un esclavage abject. Je me vengerai des outrages reçus : si je ne peux pas inspirer l’amour, j’inspirerai la peur ! Toi surtout, prends garde à ma haine, je travaillerai à ta perte et je ne cesserai que lorsque j’aurai brisé ton cœur et que tu maudiras l’heure de ta naissance.