Joe Flanagan, Un Moindre mal, 2017, p.151.
Quand Warren revint du Pacifique, les choses avaient changé. Il était anxieux et désorienté, et il avait l’impression qu’elle avait pris l’habitude de vivre sans lui, en était peut-être même venue à aimer ça. La vérité était qu’il s’était lui aussi habitué à vivre seul. Il lui tardait de reprendre le travail, parce qu’il ne savait pas quoi faire du temps qu’ils passaient ensemble. […]
La vie domestique était difficile, leurs bavardages insupportables. Il réalisa qu’ils ne pouvaient tout simplement pas reprendre là où ils s’étaient arrêtés. Quelque chose dans l’expérience de l’éloignement – l’expérience de la guerre dans son ensemble – ne pouvait pas rester enfoui au fond de lui. Tout cela avait certainement un effet capital, lequel, il n’aurait su dire, mais il lui semblait que les événements impossibles à oublier qui s’étaient déroulés là-bas avaient modifié sa vie d’une façon ou d’une autre. Les morts gonflés à Biak, les prisonniers émaciés en haillons graisseux, les longs blocs de cellules en béton torrides de la prison militaire de Leyte, tout semblait trop lourd de sens pour simplement se fondre dans le reste du passé et disparaître dans le sillage de son trentième anniversaire. Désormais, il restait assis dans une voiture de patrouille glaciale et rentrait retrouver Ava et son dîner, durant lequel elle se rongeait les ongles et promenait son reagrd autour de la pièce comme pour essayer de trouver une issue.