Hermann Hesse, Le Loup des steppes, 2004, p. 197.
« Permettez, monsieur, mon nom est Gustave. Nous avons pris la liberté de tuer votre chauffeur. Pouvons-nous vous demander à qui nous avons l’honneur ? »
Les petits yeux gris du vieil homme lancèrent un regard froid et triste.
« Je suis M. Lœring, procureur général, dit-il lentement. Vous n’avez pas seulement assassiné mon pauvre chauffeur ; vous m’avez atteint moi aussi et je sens que j’agonise. Pourquoi donc avec-vous tiré sur nous ?

Parce que vous rouliez trop vite.

Nous roulions à une vitesse normale.

Ce qui était normal hier ne l’est plus aujourd’hui, monsieur le procureur général. Désormais, quelle que soir l’allure du véhicule, nous considérons qu’elle est excessive. Nous détruisons les voitures, toutes les voitures sans exception ainsi que les autres types de machines.

Vos fusils aussi ?

Leur tour viendra, à eux aussi, s’il reste assez de temps. Il se peut en effet que nous mourrions tous demain ou après-demain. Vous savez bien que notre terre souffre d’un terrible phénomène de surpopulation. Enfin, cela permettra de respirer. »