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François Taillandier, L’Écriture du monde, 2013, p. 206-207.
Elle était reine des Lombards par le sang maternel, et à présent par la supplique qui lui était adressée. Ces hommes valeureux et puissants lui demandaient un avenir en somme. Oui, c’est cela qu’ils demandaient. Ils étaient comme des orphelins, perdus dans ce pays qui n’était pas le leur et dont ils s’arrachaient les dépouilles, faute de savoir qu’en faire d’autre. La plupart n’en avaient même pas appris la langue, elle avait vu certains d’entre eux molester ou rosser leurs interprètes, redoutant les mensonges et les ruses locales. Ce qui ne servait évidemment à rien. Ils ne savaient pas s’y prendre. Ils étaient devant le vide, ils ne savaient que devenir.
Alors sa peur s’atténua, et ce fut un orgueil qui doucement vint en prendre la place. Elle se souvint de sa mère – « Nous sommes des prisonnières… » - et de sa sourde révolte contre cette résignation. La Providence mettait à présent à portée de sa main cette revanche dont elle avait si souvent rêvé. Dans le sein fragile de ses dix-sept ans, Théolinda conçut qu’elle relèverait le défi. Elle n’avait plus qu’à être reine.
Et elle commença aussitôt de sentir ce que toute domination comporte de solitude.