Le dispositif psychanalytique de groupe a introduit de nouvelles compétences pour le traitement des « cas difficiles » : enfants très gravement perturbés, certaines pathologies antisociales de l’adolescence, souffrances de l’addiction et séquelles traumatiques, patients adultes psychotiques. Il aura aussi contribué à rendre possibles l’expérience et la connaissance de la formation de processus psychiques inconscients, inaccessibles autrement. Cet ouvrage propose d’analyser les principales propositions qui soutiennent la théorisation psychanalytique de petits groupes humains, en examinant les répercussions de ces propositions sur une théorie générale des processus psychiques inconscients, objet de la connaissance et de la pratique psychanalytique.
Extrait :
V. - Les processus associatifs et le travail du préconscient dans les groupes
Les processus associatifs dans la situation psychanalytique de groupe sont des processus complexes. Nous avons affaire à une pluralité de discours intriqués les uns dans les autres. Dans une telle situation, le travail de l’association se présente comme un cycle de transformation des énonciations qui se produit dans les transferts et sous l’effet des transferts qui se développent dans l’espace groupal. Mais nous avons affaire aussi à un discours de groupe.
La notion d’un discours de groupe suppose un organisateur inconscient du discours, valant représentation-but partagée par les membres du groupe. Cette représentation se forme à partir des opérations de refoulement ou de déni inauguralement et conjointement effectuées pour faire lien de groupe ; elles constituent l’équivalent de l’originaire du groupe et sont maintenues inconscientes par les alliances et les pactes qui lient entre eux les membres du groupe.
Les discours sont déterminés par les structures particulièrement hétérogènes de l’espace intrapsychique et de l’espace intersubjectif. Nous supposons que le processus associatif se développe à partir des tensions produites par cette hétérogénéité et ces écarts ente les processus des membres du groupe.
Ces caractéristiques qualifient le régime particulier des processus associatifs dans le groupe : les signifiant apportés par chacun sont déterminés par le fantasme de désir inconscient de chacun et par les processus primaires qui travaillent la figurabilité de ce désir. Ils sont aussi ordonnés par les représentations-but associées à l’organisateur groupal inconscient qui tient ensemble, agence et appareille les psychés. Toutefois, la diversité des sujets et la singularité de chacun crée une certaine tension par rapport à ces représentations-but individuelles et communes : des « événements associatifs » imprévisibles et surprenants surgissent dans le cours des associations. Certaines représentations peuvent devenir soudain disponibles et utilisables par des sujets à l’écoute des associations : ceux-là peuvent trouver le frayage de leurs représentations inconscientes vers le préconscient. Le processus associatif dans le groupe fonctionne comme un dispositif de métabolisation qui rend possible la relance de l’activité du préconscient en mettant à profit toutes les ressources des processus primaires, secondaires et tertiaires.
Dans tout processus associatif, et ses modalités groupales le mettent en évidence, l’activité du préconscient d’un sujet se met en œuvre ou s’inhibe au contact de l’activité psychique préconsciente de l’autre : de l’appareil psychique, la formation de préconscient est tributaire de l’autre, essentiellement de son activité de représentation de paroles adressées à un autre. Cette fonction est primitivement soutenue par la mère lorsqu’elle se constitue comme porte-parole vis-à-vis des stimulations internes ou externes de l’enfant (de l’infans, celui qui ne parle pas encore) : c’est de cette manière et sur e modèle que la formation du préconscient est fondamentalement liée à l’intersubjectivité ».
Ces considérations ont un intérêt majeur pour l’élaboration psychique des expériences traumatiques : dans de nombreux cas, le groupe fonctionne comme un appareil de transformation de l’expérience traumatique. (1)
(1) C’est nous qui soulignons.