Polina a 14 ans lorsque débute le deuxième guerre de Tchétchènie en 1999. Ce journal couvre 4 années, elle raconte au fil des jours sa vie quotidienne : la survie dans la ville de Grozny, ville assiégée par les troupes russes, sans arrêt bombardée ou elle est seule avec sa mère. Elle raconte son quotidien et on retrouve à travers ses écrits les récits terribles des réfugiés qui sont venus jusqu’en France et ont témoigné de cette réalité. Par contre, c’est une toute jeune fille qui fait parfois penser à une enfant qui a grandi trop vite et doit assumer des tâches trop lourdes pour elle.
Elle confie à ce journal les événements terribles du quotidien, mais aussi ses espoirs et désespoirs. Elle décrit la survie, la faim, les files d’attentes, l’organisation de la vie de tous les jours, comment travailler, trouver de l’argent, de la nourriture, se soigner et signe tantôt de son prénom, tantôt " princesse" tantôt "princesse Boudour" tantôt Patochka au gré de son humeur.
C’est un témoignage extraordinaire avec des mots simples, des mots d’enfants parfois, elle nous plonge dans sa vie au jour le jour et même si elle est parfois découragée par les voisins, les bombes, elle garde espoir, tombe amoureuse et continue à vivre. On sent à travers ce journal, les enjeux, les forces en place.
Son père, Tchétchène est séparé de sa mère depuis son enfance, sa mère est Russe et elle décrit également sa douleur du rejet des deux communautés qui se combattent et pour lesquelles elle ne veut pas prendre parti. Deux femmes seules dans la guerre qui ne peuvent compter que sur elles mêmes, au milieu des pillages, des exactions, il faut trouver chaque jour le courage de continuer. Polina est blessée lors d’un bombardement et a des éclats d’obus qui se promènent dans sa jambe. Pour lutter contre la douleur, la stupeur et la souffrance, elle recopie des poèmes, fait des vers et signe de ses noms divers qui la mettent a distance du quotidien trop dur pour elle.
Entre enfance et adolescence, elle se révolte contre sa mère qu’elle appelle parfois "ma brave maman", parfois "la teigne" a les préoccupations et les révoltes de son âge. On ne connait sa mère, qui est de santé fragile, qu’à travers ses paroles, elle la présente comme une femme intègre qui refuse le pillage et la spoliation des biens des autres, mais dont elle doute parfois de son amour. Elle ne s’autorise en dernier recours et pour ne pas mourir de faim qu’à voler de la nourriture et des conserves dans des appartements vides qui ont été abandonnés par leurs propriétaires. Expulsées de leur appartement, elles errent dans la ville avec quelques grand-mères et rencontrent le pire et le meilleur de l’humain. Sans argent, elles ne peuvent pas quitter la ville pour prendre un bus qui les mettrait hors de danger.
On voit Polina vieillir et ce n’est qu’en 2004 qu’elles réussissent à fuir pour Stavropol puis Moscou. Polina a alors travaillé et publié des articles sur les droits de l’homme. Elle a suivi des études de journalisme. Les grands éditeurs russes, effrayés par ses écrits ont refusé de publier ses journaux, c’est un petit éditeur spécialisé dans les ouvrages sur le crime organisé qui a publié ce tome. Il a suscité de vifs débats dans la presse sur la responsabilité des deux camps durant la guerre.
Polina, menacée de mort et agressée violemment à plusieurs reprises, a fui en Finlande ou elle est maintenant réfugiée. Polina a écrit 14 tomes de son journal qui couvre les dix années de guerre. Ce livre correspond à des extraits. Elle espère pouvoir un jour les faire publier intégralement.
Extrait (page 454).
"Salut, dans 17 jours, j’aurai 17 ans. Je n’ai encore rien réussi dans ma vie... je suis une rêveuse, nourrie de livres de grand père... J’ai rêvé de me faire accueillir dans un monastère tibétain... maîtriser l’art de la guérison, apprendre la lévitation. Aujourd’hui je peux évoquer ces souvenirs d’enfance avec amusement et nostalgie. Mon enfance a été estropiée par l’histoire, la guerre. Mes problèmes sont devenus terre-à-terre : nourriture, eau, chaleur, protection contre les tirs. Le but essentiel de ma vie est à présent la survie... a 16 ans je suis en piètre santé, névrose, rhumatismes, maladie de cœur. Mon estomac et mon foie font la grève... après avoir longtemps souffert de la faim, je ne peux plus consommer de nourriture ordinaire, notamment les préparations en saumure et les plats relevés. Les anciens prisonniers de camp de concentration se trouvaient peu ou prou dans la même situation..."