« Le 2 décembre, à 18 heures, les mêmes inspecteurs dont M. R… – j’ai bien connu son nom, c’était lui d’ailleurs le plus acharné sur moi – m’ont repassé pour la troisième fois à la barre fixe. L’opération a duré environ deux heures. Après ils m’ont battu par des coups de pied et de poing et plusieurs autres prises diverses : torsion des muscles, des bras, des jambes, jusqu’à me foutre même leurs doigts au derrière.
Jusque-là les tortures sont terminées. Pour les journées des 3, 4 et 5 décembre, ils m’ont passé à l’interrogatoire. Le matin, ils m’emmenaient à la D.S.T., le soir ils me ramenaient à Versailles durant ces quatre autres journées. Après ils m’ont déposé au dépôt dans la soirée du 9 décembre, où je suis resté jusqu’au 10 décembre au soir. Quand je suis passé devant le juge pour signer le mandat de dépôt, j’ai bien déclaré, à M. Batigne même, sur ces tortures subies, lequel n’a pas tenu en considération mes déclarations, en me disant même :
- Nous connaissons cette musique, vous êtes tous les mêmes.
Khider SEGHIR
26 ans,
préparateur en pharmacie »
En 1959, Les Éditions de Minuit publient La Gangrène, sept témoignages de victimes de la torture pendant la Guerre d’Algérie.
Toutes les méthodes de torture (gégène, eau, paillasse barbelée, sérum de vérité, arrachage d’ongles, brutalité, privation de sommeil, poivre dans le vagin etc…) y sont détaillées. Cet ouvrage fut censuré par le gouvernement, car mettant en cause l’armée et ses méthodes, la faisant apparaître comme la nouvelle Gestapo d’Algérie.